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La nécessité d'un système intelligent

 

Comme la section précédente le laisse deviner, un instrument d'optique adaptative est un système complexe. Grâce à l'expérience unique, acquise au DESPAgif lors des développements précédents, Pierre Léna, instigateur de cette thèse, a pu souligner l'intérêt majeur de l'optique adaptative en astronomie, mais aussi la nécessité d'une meilleure utilisation, d'un contrôle plus ``adaptatif'', plus ``intelligent'' des instruments de ce type. Nous reviendrons bientôt sur le sens que recouvrent ces mots dans notre contexte.

Certes les systèmes expérimentaux précédents étaient à la pointe de la technologie, tant en termes d'optique, d'opto-mécanique, de miroir déformable, d'analyse de front d'onde, d'électronique et même de calculateurs. Cependant, les technologies et les techniques informatiques ont beaucoup évolué ces dernières années. Mais surtout une approche généralisée du contrôle de l'instrument, afin d'en maîtriser la complexité, d'améliorer son efficacité, au-delà des performances pures mais bien plus encore en terme de rendement scientifique, était pressentie.

En amont des aspects concrets d'amélioration du système et de mise en oeuvre que présentent les chapitres suivants, mon travail a donc consisté dans une première phase à définir les objectifs à poursuivre, partant des connaissances, des acquis, et de l'existant pour améliorer l'exploitation de l'instrument.

Le détail de toutes les améliorations possibles des systèmes d'optique adaptative sort largement du cadre de cette thèse puisqu'elles concernent des domaines aussi divers que l'optique, la mécanique, l'analyse de front d'onde, les caractéristiques des éléments déformables, les caméras, ...On trouvera dans les thèses de de François Rigaut [Rigaut 92b] et de Jean-Luc Beuzit [Beuzit 95b] l'étude de ces problèmes et les améliorations techniques apportées par Come-on+ par rapport à Come-On, et par Adonis par rapport à Come-on+ dans ces domaines. Nous nous attachons ici à considérer le problème global du contrôle de l'instrument, et ses implications sur les différentes composantes, en particulier informatiques et électroniques, ou plus généralement, en terme de flux de données.

Quels sont donc, en ces termes, les problèmes posés par les instruments précédents ?

En premier lieu, on constate que les systèmes d'optique adaptative précédents furent très compliqués à utiliser. Pierre Kern, dès 1990, dans les conclusions de sa thèse ``Optique Adaptative et Grands Télescopes'' déclare en parlant des évolutions souhaitables ``Un autre aspect sera la simplicité d'emploi d'un tel dispositif. Si son utilisation à long terme nécessite la présence d'un personnel qualifié, son coût d'exploitation en augmentera d'autant. L'idéal sera de fournir un instrument dont l'un des modes de fonctionnement soit automatique [...]''. En effet, l'équipe de nombreux spécialistes nécessaire pour faire fonctionner Come-On était impressionnante. Bien sûr le caractère de prototype des premiers instruments explique en partie cette complexité de mise en oeuvre, mais en partie seulement. L'utilisation, le réglage, mais surtout l'optimisation d'un système aussi complexe implique en effet l'acquisition de données provenant de sources hétérogènes, l'estimation délicate de paramètres, et une fois des décisions prises, l'action sur ou au travers de systèmes variés.

Un point fondamental est l'efficacité du système en termes de temps de télescope. En effet, le temps de télescope est très précieux, et ce dans tous les sens du terme, y compris économique. Précieux, en particulier pour les grands télescopes, où l'optique adaptative prend tout son sens, de par le coût important des investissements pour les construire, de l'entretien, et par la pression scientifiquegif qui s'y exerce. Aussi un instrument qui ne permet d'observer effectivement que quelques pour-cent du temps n'est pas viable à long terme sur un grand télescope. C'est pourtant ce type de rendement que Come-On a fourni, mais ce qui est compréhensible pour un prototype ne peut être acceptable in fine, et ce même si dans le temps vraiment ``utile'' les performances sont inégalées. Le rendement scientifique est donc un critère majeur de qualité d'un instrument.

Pour optimiser le fonctionnement, Pierre Kern insistait aussi sur la nécessité d'une analyse conjointe des images, du front d'onde et des données caractérisant l'état de l'atmosphère. Dans un même ordre d'idée, Eric Gendron soulignait la difficulté, avec Come-On\ et Come-on+, d'analyser les données obtenues de manière efficace et sûre, les recoupements entre les fichiers et la connaissance de la configuration exacte du système étant souvent délicats à obtenir. J'ajouterai que les performances de l'optique adaptative dépendent parfois de facteurs humains, tels que le stress ou la fatigue (le déficit de sommeil entre autres) qui s'accumulent légitimement au fur et à mesure de longues missions sur la montagne, dans des conditions difficiles, ou encore de l'expérience différente d'un opérateur à l'autre. Dans ces cas, l'erreur humaine, où l'absence ``d'optimisation'' peut devenir un facteur important de la qualité des performances du système, mais aussi de la (non) capacité (éventuelle) à reproduire un niveau de qualité cohérent avec les circonstances, de manière systématique (``reproductibilité''). Il semble en effet qu'il soit préférable d'avoir constamment des performances assez bonnes, plutôt que des performances très bonnes parfois et moyennes ou mauvaises dans certains cas, sans que l'on puisse exactement évaluer à un moment donné ladite performance.

Les implications de tout ce que je viens d'évoquer doivent sans doute mettre le lecteur sur la voie: Quel est le problème fondamental dans ce système complexe : organiser la communication ! rendre le système plus ``intelligent'' !

Mais que recouvre le qualificatif ``intelligent '' dans ce cas ?

Les définitions de l'intelligence  et de l'intelligence artificielle  (IA ) sont nombreuses, controversées et en fait il est difficile de définir précisément des domaines si vastes. Une définition, presque subconsciente et probablement due à la naturelle propension de l'homme à se considérer supérieur, pourrait être que l'intelligence est tout ce l'homme fait mieux que la machinegif. Cette définition est bien sûr évolutive au cours du temps, et même fuyante. En effet, si au début du siècle, par exemple, la capacité à calculer vite et bien, était considérée comme une preuve d'intelligence, l'avènement des ordinateurs et des calculatrices a semble-t-il rangé ce type d'exploit au rang de curiosité. Les exemples sont nombreux de progrès réalisés par l'informatique, qui réduisent ainsi le domaine de l'intelligence (car en fait, pour beaucoup, intelligence implique intelligence humaine, excluant l'identification de soi à une machine, aussi ``intelligente'' soit-ellegif). Aussi, l'intelligence artificielle, en tant que domaine, aura pleinement ``réussi'' lorsque son champ d'étude sera réduit à l'ensemble vide, c'est-à-dire que tout ce dont est capable le cerveau humain sera effectivement mis en oeuvre par des systèmes informatiques ``classiques''. Notons que certains pensent que cette hypothèse, dite de l'IA forte, est théoriquement (ou plutôt moralement ou religieusement) impossible. Le plus souvent, une fois qu'une technique ``d'IA'' fait ses preuves, elle devient vite assimilée par l'``informatique classique'', et les gens demandent alors ``mais où est l'IA là dedans ?''. En fait, il y a à mon avis une contradiction fondamentalegif dans la dénomination ``Intelligence Artificielle appliquée'' puisque dès qu'elle est appliquée une technique d'IA n'est plus qu'un système ``perfectionné'' comme un autre. Cet état d'esprit, cette dépréciation de l'``intelligence'' est probablement amplifiée au niveau du public par le kidnapping effectué par les commerciaux et publicistes `de tout poil' qui ont tendance à qualifier d'``intelligent'' la première cafetière venuegif. En effet, ce qui, il y a dix ans, était une technique de pointe, de recherche en IA, se retrouve parfois aujourd'hui dans des systèmes utilisés partout...

Aussi, en éliminantgif la partie quasi philosophique de l'IA qui cherche à analyser la possibilité d'une ``Intelligence'' ``Artificielle'' avec les majuscules, attachons nous plus simplement, en ne plaçant pas trop d'attentes exagérées derrière les termes, à définir comment un système pourrait avoir un comportement ``intelligent''.

Eh bien, en résumé, nous voulons y voir la possibilité pour le système de répondre plus rapidement et souplement aux fluctuations de son environnement, de s'adapter aux différents contextes et de faire preuve d'une certaine autonomie!

Maintenant que le domaine d'application est cerné, que la problématique est définie et les objectifs identifiés, examinons les choix et les méthodes que je propose pour mettre en oeuvre une solution.


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© Laurent Demailly (dl)